Mardi 4 novembre 2025 à  14 h 30 –
Cours Histoire de l’art –  Jean-François LARRALDE –

C E Z A N N E – 2ème partie
La rage de peindre

A la fin de sa vie, Cezanne lui-même confiait à l’un de ses juvéniles admirateurs:
« Je suis peut-être venu trop tôt, j’étais le peintre de votre génération plus que de la mienne. »
Quelles furent ses audaces ? Comment a-t-il dépassé l’impressionnisme de ses amis Monet, Renoir, Pissarro, Guillaumin arrivant hirsute et farouche de Provence pour les rencontrer au café Guerbois, avenue de Clichy, ou au restaurant de La Nouvelle Athènes, il s’était rallié dans une commune admiration pour Manet. L’originalité de la « vision cezannienne » vient de ce constat qu’il fit :
« La nature pour nous, hommes, est plus en profondeur qu’en surface. »
A force de chercher, en hachurant ses peintures par touches «constructives », à rendre puissantes les vibrations de ses couleurs, il en est venu à tailler dans le paysage lui-même. Et, c’est en peignant les rivages de la mer à l’Estaque, qu’il comprit qu’il lui fallait organiser le rythme des modulations de manière stratifiée. Ainsi en est-il venu progressivement à traiter ses paysages, ses natures mortes et ses Baigneurs métamorphosés en Baigneuses ou ses portraits de manière stratifiée. Cezanne voyait dans l’art une « harmonie parallèle à la nature ». Et, poussant à l’extrême cette conception dédoublée de la peinture, il approchait vers la fin de sa vie d’une recomposition presque abstraite de celle-ci. Devenu misanthrope, il n’avait plus qu’une passion : la peinture. Profondément épris de la Montagne Sainte-Victoire, il préférait s’en emparer en fin de journée, à l’heure où le soleil déclinant pose son «sourire d’intelligence aiguë» sur ses flancs effarouchés et son sommet inaccessible.
C’était « l’heure cezannienne », celle de son bonheur.