Complément d’informations
pour la conférence du jeudi 14 décembre 16h15

Debussy et les Arts
par jean-François LARRALDE et Jacques DESCHAMPS

La Mer, sous-titrée « trois esquisses symphoniques », se souvient de la symphonie en trois mouvements illustrée par Franck, d’Indy, Chausson ou encore Dukas ; elle contient plusieurs thèmes et motifs cycliques traversant l’ensemble de l’œuvre ; ses mouvements sont dotés d’un intitulé évocateur et poétique. Néanmoins, elle présente une ductilité rythmique sans précédent : les nombreux changements de tempo et les superpositions de rythmes différents figurent le caractère insaisissable de la mer et du vent, éléments en perpétuelle métamorphose. La partition produit à la fois une sensation d’architecture solide et d’imprévisibilité. En outre, le timbre devient l’un des fondements de l’œuvre, indissociable du rythme, de la mélodie et de l’harmonie. L’orchestration reste toujours transparente, qu’elle évoque le mystère de l’aube, la clarté méridienne ou le conflit de l’air et de l’eau. On songe alors à Turner, « le plus beau créateur de mystère qui soit en art », selon Debussy. Comme chez le peintre anglais, la lumière flamboie, les formes semblent fusionner les unes dans les autres et l’aspect onirique se double parfois d’angoisse. On se rappellera aussi la passion du compositeur pour Katsushika Hokusai (1760-1849), dont La Vague au large de Kanagawa (vers 1831) fut reproduite sur la couverture de La Mer. Debussy partageait avec l’artiste japonais la fermeté du dessin, le contraste des couleurs et la stylisation du sujet, s’efforçant de saisir non l’objet lui-même, mais son essence. Comme il l’écrivait en 1902, « l’art est le plus beau des mensonges. Et quoiqu’on essaie d’y incorporer la vie dans son décor quotidien, il faut vérifier qu’il reste un mensonge, sous peine de devenir une chose utilitaire, triste comme une usine. Ne désillusionnons donc personne en ramenant le rêve à de trop précises réalités… Contentons-nous de transpositions plus consolantes par ce qu’elles peuvent contenir d’une expression de beauté qui ne mourra pas ».

Une analyse détaillée de l’œuvre avec ses trois mouvements, achevée en 1905, suit cette courte introduction…

Jacques DESCHAMPS